Archive for the enterrement Category

537. Reine Des Échos, Neige Sur Les Fréquences, Dynasties De La Fièvre : Détachement 2/2

Posted in enterrement, maladie, virus with tags , on janvier 25, 2020 by 1000morts

Elle sent la toux monter dans sa gorge, Liz engoncée dans sa bière de viande et d’os.

Descendue aux terres asséchées, chaudes de pierres et d’animaux fossiles, la douceur de sa voix, de sa main sur sa joue, un baiser dans la paume, tête heurtée avant la chute, un frisson de froid ou de désespoir puis s’allonger sur le lit de labeur.

Donner des corps. Donner des corps où s’incarner.

Respirer dans les tuyaux plastiques. Le goût des machines.

Trouver le remède, la chimie d’oublier, ces bruits jaunes d’amertume.

Elle tourne et se retourne, et ces bras qui l’enserrent, les fleuves rendus sourds aux supplications, ces peaux disparues, que la chair brûlante, la chair brûlante, le chant de la viande exacerbée, se jeter d’un immeuble, accélérer les couloirs, répondre aux démangeaisons, le virus d’en finir, escalader les grues éloignées, planer dans le vent des matins, elle tombe dans les bras d’un fleuve de larmes, les yeux noirs, cohérence et cohésion, ces peaux écailleuses où elle se perd, elle porte le masque d’alcool, je suis désolée.

La honte de prononcer ces mots.

Les mains dans sa bouche.

Dans ses bras à lui.

Un mausolée de bois enflammé.

Reine des échos dans les corridors vides.

Massacre du retard. Je suis désolée.

Elle, perdue derrière les paupières closes, ne peut que sentir le monde renoncer lentement.

Dans les prairies du jour supplémentaire, le vrai sang des herbes, dressées comme des antennes, captant les fréquences et les stridulations des félins, maladies anodines, courbes d’échines sous la pression des tropiques. Constellations noires dans l’estomac. Leurs griffes plongent au cœur. Cirque de la tranquillité. Quelque chose de l’apaisement, de la désolation industrieuse, de la volonté de continuer, d’être là et de rester, pour autre chose, pour quelqu’un d’autre, la bonne excuse la bonne excuse.

Sous ses pieds le bois puis rien, puis les mains qui la détachent, esquissant des rires et la grande fête des disparitions. Quatre et trois. Fatigue des conquêtes.

Elle dit, je suis désolée, quand l’eau monte à la rencontre du brouillard.

Neige sur les fréquences parfaites quand nous tombons tous.

Aux frontières du feu, elle renonce à toute intégrité. La forme intérieure de son crâne. Clé de ses serrures internes. Je suis désolée.

Recueillie comme un verre d’eau sous la lune.

Précise comme un oiseau parti pour le Levant.

Pour un désir de vrai sang.

Au prix des désolations.

Son cœur battant rendant les armes.

Face à la falaise, à la fois au pied et au sommet. La compacité et le vide. Et partout, la profondeur. Songes de caves électriques. D’anfractuosités mécaniques.

Elle baisse la tête, touchant l’épaule de la joue, tissu elle-même dans les bras d’une autre, drap de chair, montants d’ossements, un drapeau noir aux doigts calcaires, réchauffant ses cuisses à elle tout en planant vers le sol, vers le vide, tenue à bout de bras, dévissant vers les profondeurs, son amour à elle comme un puits de goudron, chiens abandonnés parmi les pneus, tout est bon pour oublier la vie, dernières photographies volées à la vie, sables du bitume, dynasties de la fièvre, massacre des corps tournés, du temps passé à envisager les combinaisons, ceux qui souffrent et ceux qui souffrent moins, la musique d’un autre jour comme celui-ci, bruit des radios bloquées sur les extinctions, poussées dans les yeux, combattre les pensées, combattre l’infection, je suis désolée, je suis désolée,

je suis désolé.

517. Arrivée Au Premier Cercle De La Descente : Chute 2/2

Posted in enterrement with tags , on janvier 5, 2020 by 1000morts

Elle voit le monde reculer autour d’elle, s’écarter pour ménager les effets de sa chute.

C’est un jeu d’échecs, dit-elle d’une voix découpée par les instants successifs.

Voici son arrivée au Premier Cercle De La Descente.

Son dernier son avant de toucher terre.

Accords démantibulés sous la cadence de son pouls. Et cet autre corps d’elle-même qui tombe avec elle. Ce squelette extérieur qui s’effondre, points de jointure, courroies d’acier, ouvertures des commissures de ses lèvres, cette parole cousue dans la chair, l’horloge sonne l’heure, les fleuves passent sous ses pieds, et toujours la sente la mène vers le bas, vers les cités de couleurs vives, des ciels peints de cavernes, des boulevards sans âmes d’acier, seulement des serpents, des vives et des aiguilles à rebours qui menacent les plis du bras. Liz sent la Démangeaison. Où le bois enfonce ses échardes. Où elle ne peut poser la main.

Elle ferme les yeux et laisse la tourbe emplir sa bouche.

Et contre son visage.

Dessiner des formes vaguement humaines et leur donner vie.

481. Pour Celle Qui Se Nourrit De Tessons Nocturnes : Syphilis Au Souterrain V

Posted in enterrement with tags on novembre 30, 2019 by 1000morts

Dans les interstices du miroir, retour Rorschach vers l’assuétude des chiens fendus, leurs silhouettes-réponses, un écart entre la voix et l’œil, celui qui tombe et celle qui hante, barré de rouge et voile de soie translucide. Quelque chose de différent entre le cintre et la profondeur. Qui est qui sous le masque. Qui est le masque.

Les généalogies du meurtre.

Phyllis descendue aux tombeaux, ouverts dans les champs sous la lune, moirés de toisons luisantes, huilées aux fluides des chardons, la fleur qui égorge et le vent qui suinte, ici, sous ses coudes repliés, ses mains posées sur le haut des cuisses, la gisante aux canopes, ces familiers qui l’entourent, chacun raconte son histoire, et c’est une libation des mensonges qui s’enchaînent, dans la maison du mal, la perpétuelle musique de nuit.

Elle la voici, danseuse dans ses voiles, tourbillonnante couchée sur son lit de pierre, le monde qui tourne, pris dans sa glaise, son cyclone de boue, une allée entre deux rangées de chaise, et chacun y va de son refrain mortuaire.

Depuis les profondeurs, elle rend à ceux qui l’observent leur regard.

452. Au Nord Boire L’Eau De La Nuit Contre L’Électricité Du Ciel : Extrême-Nord (4/4)

Posted in enterrement, possession with tags on novembre 1, 2019 by 1000morts

« Souvenir des choses à venir », dit-il. Sa voix comme passage des arbustes. Fougères roulent sur l’allée entre les silhouettes pointues. Télégrammes tricotés sur piqûres. Ajouts à l’édition du jour. Plomb sur plomb. Demande paternelle des aveux. Henry North sur la pierre, édition spéciale en pierre poreuse, celle qui boit l’eau de la nuit, qui égrène ses lettres de recommandation dans un espace au sud du sud, délimité par le bois et l’os, North toujours là, debout devant la presse et les lettres de plomb, rejouant la guerre et la mesure des mots, au papier jour après jour, la nouveauté des ascendances.

Et lui égrenant ses raisons d’être là, parmi l’autre, le pays étranger entré dans son corps, Henry North échangeant son sort contre un rideau rouge, lui revenant sur sa promesse, celle d’un bal de fin d’année, d’une fusion de fin de guerre, la lumière rouge qui marque la fin des corps, North la transgresse et joue au tarot quand la mort coupe et la peste choisit avec quelle moitié elle compose sa pioche.

Henry North dans son sol sec, sourit à l’agencement de pairs et d’impairs. Suite du diable. Valse des figures géométriques.

Et la composition du ciel comme reflété dans les flaques de galets. Douze visages de ne rien dire. Douze façons de s’opposer au ciel.

Henry North comme éclair accompli contre l’électricité du ciel.

361. Passager (6/10)

Posted in enterrement, passage with tags on février 14, 2010 by 1000morts

Le Passager sent la terre bouger sous son ventre. Fin du coma éphémère. Cela lui chatouille l’avant-bras, le biceps, picote ses jambes de fourmi, remonte l’échine et serre la nuque, réveille les battements de son cœur en trois vagues, puis le sang est filtré à nouveau, et son foie lui fait mal.

Des mains cliniques l’extirpent par l’avant. N’était-il pas couché sur le ventre quand le premier Passeur a rebouché l’ouverture ?

349. Passager (5/10)

Posted in enterrement, passage with tags on février 11, 2010 by 1000morts

La terre sera glacée. Ce ne sera pas du tout ce à quoi il s’attend. Rien de doux ni de proprement nocturne. Il ne lui viendra que des phrases préenregistrées, du genre : rien de tout ceci n’est réel. Et peut-être sera-ce le cas. Il n’aura toutefois rien de plus réel à se mettre sous la dent que cette terre roide. Figée dans son hiver perpétuel.

Son mouvement propre est une pourriture amenée sur la chair du vivant. La surveillance dans la colonie est trop forte : beaucoup s’enfuient, traînent de plus en plus loin du cœur, de l’Extrême-Centre. Et descendent. La plupart se perdent, restent où ils sont, où ils se retrouvent. Souvent dans une cellule peinte à l’émail, couverte de croix, avec des pyjamas à rayures et une confrontation démente dans les yeux. Souillent leurs matelas au mur.

Quelques-uns récupèrent une partie de la mémoire commune, savent où aller. Ils l’écrivent pour d’autres, publient des feuilles sous le manteau. Décrivent les courbes larges qu’il faut dessiner, les torsions qu’il est tellement nécessaire d’imprimer sur la route pour qu’elle épouse la voie à suivre. Et atteignent les dernières maisons avant le vide.

Seuls importent la survivance des faubourgs, et le froid qui parfois prend la terre alors même qu’on étouffe en contrehaut. Et la pellicule si fine de réel qui sépare de l’autre Khalaï.

On saura juste ce qu’il faudra chercher : un champ de pavots inverse. Et le moyen de le chercher : courber la cité dans le pli du coude. Malgré le froid intérieur.

346. Passager (4/10)

Posted in enterrement, passage with tags on février 8, 2010 by 1000morts

Au bout d’un sentier aveuglé par la moiteur, ils atteignent une partie du cimetière consacrée aux anonymes. Le paradoxe est là : des chiffres. Des symboles. Des suites de caractères imprononçables, des dessins, et même une pierre en forme de X, couverte de mousse. L’ignorance faite chair.

– Cela peut surprendre tout d’abord, mais finalement, c’est assez logique : c’est dans un cimetière aux noms multiples mais ne signifiant rien qu’il a trouvé le passage. Dans les premiers temps, c’est devenu une véritable usine. La file s’étendait jusqu’aux grilles, et même au-delà, dès les premières habitations à plusieurs kilomètres. Il y avait une économie parallèle, les places se revendaient au marché noir, les privilèges tacites favorisaient les femmes enceintes, les mutilés de guerre. Une finance de la peur. Tout s’est écroulé.

On sent sa sueur à plusieurs mètres. Et son souffle d’asthmatique court parmi ses bronches ossifiées.

– On ignore pourquoi, certains ne sont pas parvenus à passer. Et ce qu’ils sont devenus en ont dégoûté plus d’un. Je devrais plutôt dire : ce qu’il est resté d’eux. Heureusement qu’ils emportaient leurs papiers…

Un trou attend. Un beau trou rectangulaire, net, au rasoir. La taille semble correcte.

– … mais ce n’est plus arrivé depuis des lunes.

Un trou parfait pour lui.

– Vous vous allongerez au fond, face contre terre, dos au ciel.

Un espace en creux aspirant à la convexité.

– Vous ne tenterez pas de respirer.

Un vide qu’il aspirait à remplir…

– Vous vous laisserez recouvrir jusqu’à ce que vous soyez appelé…

… maintenant.

– … demain matin.

Le Passager descend dans le trou, s’agenouille, jette un œil sur ce qu’il abandonne : le visage du Passeur, un museau curieux. Il ramène un bras sous son ventre, l’autre sous son front, et cesse lentement de respirer. La terre tombe sur lui, recrée l’obscurité dans un cocon. Les bruits reculent.

270. La Sainte Trinité Des Bandes-Sons De La Cécité

Posted in enterrement with tags on novembre 24, 2009 by 1000morts

L’aveugle se relève, énonce des oracles, dans la fumée des noix de muscade et les volutes du volcan souterrain. Il sort de la cellule, s’appuyant lourdement sur son bâton et pourtant marchant d’un bon pas, engendrant l’écho dans les couloirs déserts. Une lente et lourde marche, ses trois jambes contre la pierre, l’assurance de la cohérence. Toutes les partitions défilent derrière ses yeux, déconstruites et rapiécées à la va-vite ; portées issues des songes, clés des chants organiques, silences nourris des cliquètements, la sainte trinité des bandes-sons de la cécité.

Lodger, le visage relevé dans sa ténèbre, évolue parmi les brouillards colorés de son enterrement permanent.