La scansion de ses pieds sur le sol dur. L’odeur du métro à venir. L’obsession des tunnels. Le blanc métro dans son extension. Vaporeuse comme un miroir, Liz dessine des silhouettes avec ses doigts, qu’elle ne voit pas dans l’obscurité. Tout remonte autour d’elle, défigurée dans la descente, elle pense aux quartiers d’ouvriers, aux maisons à un étage, greffées les unes aux autres, à ces sœurs siamoises où circulent des fluides qu’on ne nomme pas. À ces luttes au poing levé. Ces ruelles sans fin. Ces passages entre les jardins, comme un autre jardin qui mène à d’autres routes, à des trottoirs, des courbes, des croissants, des ronds-points où tournent des voitures sans fin, ces longs rubans de voitures sans fin, Liz invoque des puits à ciel ouvert, des essaims damassés, des arbres toujours, pétrifiés dans la nuit des collines creuses. Elle court ici, dans les sons déformés et sa faim d’univers, sous un dais fossile.
Elle court vers rien, termine les tessons dans la gorge d’où sort non pas un son, une graisse qui glisse dans la nuque, et dans son dos ce sautoir de glaire, ses osselets pendus, ses instruments de torture chinoise abandonnés les uns après les autres, aux reflets sur la roche, les yeux d’enfants apparus soudain au détour d’un cauchemar, des enfants dressés dans leur nuit d’urine, leur soif, l’assouvissement du compte à rebours interne.
Tant qu’elle peut elle ferme les yeux, alourdie de sommeil, ses mains tendues contre les veines du bois, ses tendons déchirés d’alcools, sa robe de voix appelle les essences de la course.