Archive pour marcheurs d’enfer

241. Incantation Contre Le Suicide Organisé

Posted in marche d'enfer, suicide with tags , , on octobre 27, 2009 by 1000morts

Avec la sensation tactile de Messaline dans les paumes, Chrome pouvait fixer sa résidence dans la carte rétinienne de son interminable enfer. La Marche était nouvelle pour lui, qui n’avait pas été initié. Un Voleur d’Initiation, voilà ce qu’il pensait être. Pas tout à fait : Chrome ne pouvait le savoir mais seule l’absorption d’un Marcheur d’Enfer aurait fait de lui un cambrioleur psy. Et il n’aurait jamais pu entrer en résonnance avec un maître comme Lodger. Peut-être la qualité particulière de son matériau y était-elle pour quelque chose, Messaline elle-même en son infime orgie. Et l’assoupissement parfait de son oreille interne, comme preuve de tout aboutissement. Chrome, tant-fois-né et sa poésie du mal-être, se redressa en s’appuyant au chambranle organique. Suivit le chemin tracé sur son parchemin d’âme. Et déboucha, au bout d’un couloir, sur une porte massive marquée du sceau des Marcheurs : un Y composé de trois V accolés. Il posa la main sur le sigle et murmura des mots de volonté, baissant la tête jusqu’à frôler du front la pierre froide. Une incantation contre le suicide organisé.

227. Sortie De L’Artyste En Forme De Croix Définitive

Posted in disparition with tags , on octobre 13, 2009 by 1000morts

Quelque chose ne va pas, la peau fait comme des grumeaux mentaux, emmêle son esprit, phagocyte ses terminaisons nerveuses, Lodger commence à perdre pied, la sonate s’emballe, ses phalanges s’enfoncent toujours plus profondément, épiderme, derme, hypoderme, ses doigts cherchent les récepteurs de son Rêve, les corpuscules de Pacini, lovés, mécaniques, une armée en ordre de bataille, et pourtant lui échappent, les mots se figent, la gangrène se répand, partout disperse son entomologie du mal, et chaque ombre de réflexe ouvre un nouveau Rorschach émétique – Lodger arrache ses mains du corps étendu devant lui. La cellule est noyée d’une lumière métallique, plusieurs aurores ont passé, le mitan lui blesse les yeux de leurs rétines fantômes, son visage d’aveugle se crispe, son épine dorsale dessine une courbe de squale, et Lodger disparaît en fade-out de la petite fumée.

131. Vision De Messie : Descendante

Posted in marche d'enfer with tags , on juillet 9, 2009 by 1000morts

Au feu des enclumes, le bruit d’orage des marteaux répond ; par touches successives, chaque échelon la mène vers le bas, toujours vers les cités inférieures ; succession des couleurs, des tons prolongés, des luminosités tamisées ; le courrier du soir n’apporte que tristesse et sens du malheur ; comme un navire qui tangue, cordes tendues, frappées par les gouttes de pluie ; sa courbe de corps se confond, dans l’âme amère du moment, avec celle d’un véhicule toxique.

094. Où L’On Voit Chrome Echouer A Trouver Le Moindre Indice

Posted in marche d'enfer with tags , on juin 2, 2009 by 1000morts

Sa course est fulgurante, et pourtant. Lorsqu’il déboule dans la chambre de Nile, arme au poing et la souffrance légère de la sueur dans ses yeux, Chrome ne trouve rien. Pas même un morceau de verre sur la moquette, un caillot, rien qu’un très grand vide entre celle-ci et la chambre mitoyenne, un gouffre d’un mètre à peine, quelques pas, la distance du rêve où l’on parcourt trois fois la surface du globe pour se réveiller quelques minutes plus tard. Troisième cercle de sa Marche d’Enfer : Chrome n’est pas conscient d’avoir refermé la porte aux senteurs de chien derrière lui.

083. Fusion Des 3 Hommes

Posted in meurtre with tags , on Mai 22, 2009 by 1000morts

Dans sa loge, le chef des Marcheurs attend paisiblement. Fusion d’au moins trois hommes, Lodger se fait patience, ses paupières scellées, ses mains qui bougent continuellement, les micro-mouvements perpétuels, sa secte d’assassins, ses instruments de musique, une romance sur trois jambes : attaque, réaction, confusion. Lodger ne parle plus guère : ses mains parlent pour lui. Avancer, se replier, le masque retombe avant de succomber.

070. Le Prix De La Khalaïne

Posted in commerce with tags , , , on Mai 9, 2009 by 1000morts

Khalaïne (définition) : dans ses rues traînent les corps de ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir les services des Marcheurs d’Enfer ; attendent la venue de la Petite Mort qui échange ses mains contre la semence dont elle fait, dans ses tubes de précipité, une liqueur nommée khalaïne. Hallucinogène définitif ; se prise, se chique, s’infuse, se consomme sous forme de piqûre, de teinture-mère, de poudre à inhaler. La khalaïne ouvre un passage permanent ; mais l’on revient toujours à Khalaï, où l’on continue d’en payer le prix, passage après passage. Jusqu’à n’avoir plus rien à vendre que son âme.

068. Lodger, Track #2

Posted in marche d'enfer with tags , , , on Mai 7, 2009 by 1000morts

Dans la salle la plus reculée du plan Khalaï, une rotonde drapée de velours violet et mauve, les étoiles déchues trempent le plafond de leur voie lactée sure et acide. Les boyaux en réseau de la caste des Marcheurs d’Enfer, rejoignant grottes naturelles et artificielles, se coupaient de chutes d’eau, contournaient parfois des veines minérales et des roches ovoïdes indestructibles. Remontaient, plongeaient, énumérant les cavernes embuées de fumerolles aux senteurs de muscade. Sous le volcan, la terrible vie suffocante des insectes du rêve. Naviguer sur ses lacs souterrains, c’était l’acceptation d’être digéré, restitué à son oubli, de sentir poindre en ses veines la stèle ossuaire de l’ancien sang, de suivre le cours d’un temps bleuté parmi les névés et l’acte de dévisser dans l’obscur. Il y a quelque chose de l’Astoria ici, pense Lodger, qui entame le second mouvement sur ce corps apoplexique.

016. L’Assuétude Des Elémentaux

Posted in operation chirurgicale with tags , , on mars 16, 2009 by 1000morts

«Je suis son esclave.»

Sa voix résonnait encore, propulsée par des cordes sèches. «Attaque-toi à moi.

– Pas besoin de chaînes pour toi.

Elle ne pouvait plus bouger, juste son amour autour du cou, une couronne d’épines et de fourrures, et ces pleurs sardoniques dans une des pièces contiguës, derrière une de ces portes, dans ce restaurant désaffecté où «les Marcheurs d’Enfer vont boire, boire jusqu’à chier par la bouche et se comprimer l’aorte jusqu’à plus soif, dit-elle.

– C’est le grand soir, je dis.

– Cesse tes conneries. Le crépuscule me tient éveillée, quand bien même la brise avait raison de ces liens, et la ronde continue, encore et encore, les pactes, les accords, le sens du commerce, rien de tout cela n’a cours ici, la seule monnaie qu’ils connaissent, c’est le collier de poisons, la gousse vénéneuse, la mithridatisation des élémentaux.

Elle ne bougeait pas, pourtant son corps craquait, les piqûres des corneilles laissaient des dessins mutants ; la varicelle des morts, ce vieux souvenir de mes 14 ans. Quelque part entre les grilles, à l’entour des pierres crevées.

Messaline planta son regard dans mes yeux, «Nile, ça recommence.

– Ne t’inquiète pas, j’ai tout ce qu’il faut.

Des renflements bougèrent le long de sa nuque, elle pencha la tête en avant, sa chevelure dégoulina sa poix sur mes genoux, ses joules du décès pesant sur mes cuisses, et quand la chose pointa son dard pour transpercer la chair je sortis une lame de mon avant-bras et déchiquetai la cervelle de jaguar femelle.