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019. Tombeau Pour Henry North (1ère Partie)

Posted in mort naturelle with tags on mars 19, 2009 by 1000morts

Henry North est mort. Quelque part sur le continent sud-américain. Sa tombe peut être vue, dans une ville-fantôme. Où des rêves de progrès ont germé sur des croix de bois. Donnant naissance au vide. Henry North est mort, et c’est toute la famille qui pleure des larmes de sable, qui expectore la violence de la rébellion. Sa vie s’est close à coup de machettes. Son crâne dépecé, la musique qui vient de la pièce du fond lui rappelait qu’il avait une fille malade. Henry North avait égaré son anneau, était curieux, étonnait sa domesticité avec un piano véritable, et le miracle North était celui de l’infrason dans leurs estomacs de gibier sec. Le miracle aux accents bartokiens, les liens de schumann, les lacis d’aurore de debussy. Toute cette eau en droite ligne de l’europe, c’était ailleurs, c’était donc du passé. Henry North, c’était le déplacement des vertèbres, la ménagerie à ciel ouvert. Henry North est mort, son corps est visible dans les reflets de chaque caillou et de chaque perte. L’oubli North était une concession, entourée de barrières, le bois craquant. La lumière grésillait dans ses yeux. L’essence. La particularité de ses yeux d’iceberg dans une contrée de l’étonnement. Henry North dirigeait une mine, ou une carrière, exploitait le sang indien, l’arbre mutilé ombrait sa maison protégée des collines, vision d’eau courante, vision de fraîcheur au pays de l’étouffement. Henry North, sa circulation s’accélérait, perdait le fil de sa propre hiérarchie, North s’évanouissait sans cesse. Son asthme le clouait sur une planche. Sa vie sans confort, la chance, la chance menait aux fausses églises où la musique indigène peuplait ses cauchemars. Henry North est mort et sa trace est ceci : une cité-cimetière. La parfaite adéquation du souvenir et de l’abandon. North l’Efficace, celui qui obtient les budgets. Il aurait pu faire franchir une montagne à un paquebot. Epouser sa fille sur un radeau à la dérive. Convoquer Dieu et son Roi et les révoquer d’un frémissement de paupière. North, c’était la nouvelle cosmogonie. La présomption hyperlocale d’un être dessiné sur la plaine. La forme North était une plaie ouverte à la vue du gisant. Son essence ne fonctionnait plus au pays des morts. Sa machine à écrire déraillait, prenait des accents hollandais. Les rites, les prises aux filets magiques, les mains sur le front, Henry North fit deux pas sur le lac avant de sombrer. Deux vrais pas sur la surface de l’eau, et son corps s’enfonça car il n’avait pas besoin de croire pour savoir. Henry North était la tristesse, une complaisance dans la certitude d’exister. North la Souffrance, un nœud à l’estomac, mauvaise digestion de la douleur. Elle passe, et prend la forme d’une croix grecque. Henry North est mort, et la magie blanche opère ses échanges. L’homme multinational. La musique vainquait, parfois. Et les cascades couvraient le bruit du métal sur la chair. Henry North à son piano, les serviteurs obligés de faire cercle, la craie au sol plus blanche que jamais, et North prisonnier de son propre charme. Déguisé en conquistador, ridicule dans son accoutrement, North jouait liszt, vomissait chopin, annihilait les études de bach. Créait l’antimatière sous ses pieds.

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