204. La Sixte Incarnation De Glass
Glass est dans la tête de Glass, quelque chose de sombre, froid, avec une ouverture béante sur l’avant. Convalescence. Il compte sur le pouvoir-image des mots pour en sortir, et assiste dans l’intervalle à sa vie en odorama. Comment ai-je pu faire ça au petit basané ? Lui infliger ça, enfermé dans une cage avec… qui déjà ? Quel était son nom, celui sous lequel on me l’a présenté ? Et dans quelles circonstances, au fait ? Chez qui ? Un mec en blanc, très Tanger grand siècle, un médecin, ses dents, ses dents en acier reflétaient la lumière du soleil et la mêlaient de rouille. Un singe lui grimpait sur le dos, cela faisait rire tout le monde. Un soir. Une réception. Quelque chose de suffisamment officiel pour que le gratin ait fait le déplacement dans ce hangar. A manger, et du champagne, trop bu pour l’empêcher, pas assez pour oublier ensuite. Le juste milieu pour finir en tôle et y claquer de pneumonie, après six dizaines d’années passées à éprouver l’élasticité du corps humain. Qui s’est occupé de Kiki dans la cage ? Qui a plongé ses mandibules sous la peau de son visage ? Qui l’a échangé contre une serviette remplie de documents et une machine à écrire suintante ? J’ai fichu le camp, dévidant à toute vitesse le fil d’Ariane du fourgueur en goguette, même deux ou trois heures après son passage, j’ai remis la main dessus, quelque part près du port désaffecté, il jouait aux osselets avec des enfants moricauds, j’ai pris tout ce qu’il avait, payé cash et remonté le chemin abrupt vers ma cabine. Et j’ai oublié. Oui, complètement oublié, pendant des semaines de plongée en apnée, de refocalisation sur la fréquence interne des statuettes, où j’ai rejoué, prostré, les grands mythes fondateurs tracés sur mon corps d’un mélange de sang, de foutre et d’humeur maligne.
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