010. Skylight Repliquant – Létales Contre-Allées
Chrome émerge dans la nuit bleue de Skylight Republic…
Il longe les cataractes de briques. Les rues sont étroites, sur Skylight. Si étroites qu’elles ressemblent toutes à des impasses. Mais si longues et hautes que les murs se rejoignent devant, derrière, au-dessus. Et la torsion imprimée par ses yeux au sol de briques creuse la sensation d’un vide sous une pellicule de sable mouvant.
Tout est bleu, de ses iris au brouillard qui masque par interzones les contours des tournants. Skylight c’est ça : l’usine-monde de l’azur. Le lapis-lazuli fœtal, lapis-femelle enchâssée dans son quotient émotionnel, lazuli-mâle concave en sa noirceur, le cocktail de l’Océan-Nuit qui, drainé dans son centre, sépare le peuple élu de l’ivraie.
Pas de sortie, juste ce long tunnel à ciel ouvert – Chrome commence à marquer des traces sur les murs, au sol, tourne, retourne, les dessins s’échappent, s’entortillent entre eux – on voit les endroits où la rue s’est repliée sur elle-même, dénouée, étirée – Chrome transpire – chavire – craque une allumette sur une paroi, ne voit rien que le bleu qui efface les détails, le grain et la silhouette, l’allumette s’échappe, Chrome trébuche et disparaît, escamoté par un pavé, dévoré par la Rue – derrière lui, le mur saigne légèrement à l’endroit du soufre.
Chrome émerge dans le matin bleu de Skylight Republic.
La pluie rouge tombe, ou plutôt repart du sol pour tomber dans le ciel ; elle colore sa vision d’un violet quasi insoutenable. Des lignes d’un noir infiniment fin dessinent les immeubles, ceux-ci presque translucides, de grosses baleines où l’on entreverrait, de l’extérieur, Jonas pique-niquer entre les côtes du cétacé. Des constructions génériques s’empilent côte à côte, dégagent des orifices, effilent des artères, la distance et l’éloignement les relient plus sûrement qu’un peau-à-peau.
Chrome dégage vers la grand-place et débouche d’un coup dans un gouffre sous le soleil. Un espace affolant, des angles jamais droits, une sorte de léviathan en creux face à lui, tout cet oxygène suffocant. «Ils dévissent dans l’abîme», se souvient-il. Une réplique en apnée face au géant d’outre-temps : Chrome rajuste son nœud de cravate et descend, guindé aux entournures mais les mains sèches, les marches en myriades vers le Cube Central.
Pendant ce temps, une ombre qui épouse sa forme achève de se dissoudre dans les létales contre-allées de Skylight Republic.
août 13, 2009 à 3:17
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